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Eeyou Bouldering

Eeyou Bouldering
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Par Vincent Rodrigue (il), grimpeur et co-fondateur d’Eeyou Bouldering

Ça fait presque 10 ans que je mange de l’escalade. La grimpe est arrivée dans ma vie quand j’en avais le plus besoin, elle est tombée pile et moi, j’y suis tombé à pleine face. Pour Jeanne, c’est la même histoire. On s’est rencontré·e·s à l’Université de Montréal, tous·te·s deux étudiant·e·s en Éducation, et on a rapidement développé une complicité basée sur l’écoute et le besoin de redonner. C’est notre sens partagé de l’aventure et notre curiosité qui nous ont amenés à enseigner, à 1 000 km au nord de Montréal, dans un petit village isolé sur le vaste territoire d’Eeyou Istchee : Waskaganish. Loin de nous douter de ce qui nous attendait, les Cris sont devenu·e·s, au fil des saisons, notre deuxième famille. Leurs jeunes sont devenu·e·s nos jeunes et nous avons fini par ressentir le désir de redonner à cette communauté qui a été si généreuse avec nous.

Cette décennie durant, on a eu la chance d’assister à l’explosion du sport. L’escalade aux Jeux Olympiques, le nombre de gyms qui triple en Amérique du Nord et des films comme Free solo et The Dawn Wall sont des ingrédients qui ont contribué à faire connaître notre sport au grand public.

L’escalade, longtemps considérée comme une contre-culture, est aujourd’hui mainstream et semble plus accessible que jamais. Mais accessible pour qui?

Car malgré son nombre croissant de participant·e·s, la communauté de l’escalade est loin d’être un exemple de diversité.

Le sport est, en effet, majoritairement pratiqué par une clientèle privilégiée, d’ordinaire blanche, ayant les moyens financiers de se permettre un abonnement et des souliers trop chers.

Heureusement, plusieurs initiatives sont engagées dans la lutte pour contrer cette inégalité d’accès. Des projets qui nous ont grandement inspirés, Jeanne et moi, à façonner notre rêve : utiliser l’escalade comme moyen d’intervention auprès des jeunes de Waskaganish.

Notre démarche débuta dans un van humide, par une journée pluvieuse de septembre. Classique Squamish. C’est après avoir visionné Black Ice, un film qui témoigne du pouvoir transformateur de l’escalade, que nous avons décidé de mettre sur pause l’enseignement, convaincu qu’en nous consacrant entièrement à l’ouverture d’un centre de bloc communautaire, nous pourrions avoir un impact plus important sur les jeunes de Wask. Ça allait difficilement être vérifiable, c’était une question de feeling, mais avec ce projet-là, le feeling était bon. 

A priori, l’idée était simple : offrir un espace sécuritaire et inclusif où les jeunes pourraient se réunir pour grimper ou simplement chiller entre ami·e·s. Celles et ceux qui connaissent le nord savent que les longs hivers froids et sombres sont éprouvants pour la santé mentale. Ce qu’on voulait, c’était créer une place chaleureuse avec des divans, des jeux de société, une table de baby-foot et bien sûr, un mur de bloc.

Seulement, Jeanne et moi sommes des enseignant·e·s, pas des gens d’affaires. Nous avons donc retroussé nos manches et, armé·e·s de notre bonne volonté, avons écrit une tonne de courriels pour tenter d’amasser le nécessaire. Shakti et Horizon Roc ont répondu à l’appel en faisant don de prises, Bloc Shop et Délire nous ont offert des souliers usagés et Nomad Walls a tout de suite embarqué dans le projet en nous proposant l’achat d’un mur de bloc facilement assemblable. Cette première saison n’aurait pas été possible sans le soutien financier de nos partenaires locaux et le temps, les conseils et l’énergie de nos proches, ayant opéré dans l’ombre.

C’est ainsi qu’Eeyou Bouldering est né, le résultat d’une collectivité partageant ses ressources pour un objectif commun : rendre l’escalade plus accessible et inclusive pour tous·te·s.

C’est après avoir passé trois mois à rénover le local et construire le mobilier du centre avec des jeunes, qu’au printemps de l’année suivante, nous avons officiellement ouvert les portes d’Eeyou Bouldering. Malgré les installations modestes, le centre a rapidement été apprivoisé par la communauté. Pour mieux accueillir le nombre croissant de jeunes, nous avons accepté l’aide de Stormie, une jeune Crie qui s’est tout de suite impliquée dans le centre, devenu un milieu populaire de rencontres et d’échanges. Plusieurs y viennent pour grimper alors que d’autres passent la soirée à jouer à des jeux de société ou au baby-foot. Ouvert à tous·te·s, le gym est maintenant un des seuls endroits dans la communauté où les ados peuvent côtoyer des allochtones dans un contexte informel.

Pour conclure notre saison en beauté et récompenser le talent et l’implication de nos jeunes, nous avons organisé une compétition afin de mettre en vedette les grimpeur·euse·s les plus persévérant·e·s. Il est impossible de mettre en mots la fierté que nous avons éprouvée pendant cet événement en voyant ces jeunes surmonter leur gêne et leurs craintes d’être jugés.

Et parce que « les voyages forment la jeunesse », nous lancerons une campagne de sociofinancement cet hiver dans le but d’acquérir un autobus qui nous permettra d’initier nos jeunes à l’escalade extérieure, de leur faire suivre des formations de route-setting et de partir à la rencontre de jeunes d’autres nations.

Le projet-pilote a confirmé le besoin de la jeunesse d’avoir un espace qui lui est dédié.

C’est allié à nos partenaires locaux, que nous ferons du centre un espace d’opportunités, où les jeunes pourront devenir des acteur·trice·s de changement au sein de leur communauté, pour, un jour, reprendre les rênes d’Eeyou Bouldering.

Voici quelques initiatives qui méritent votre visite :

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